la production du thé

Dans les coulisses avec Theodor #1 – La création d’un thé

1 février 2013

En buveurs, amoureux de thé, que nous sommes tous ici, nous nous sommes tous posés la question : mais comment est créé un thé ?
Nous vous proposons de répondre à cette question à la réponse bien vaste en deux chapitres : le premier article sera consacré à l’inspiration et l’émotion qui entourent la création d’un thé, le second, à la fabrication en tant que telle d’un thé. Guillaume Leleu, Tea Teaster de THEODOR, crée ses thés tel un parfumeur qui crée un parfum. Il recherche les arômes, l’alchimie qui les relie, mais aussi l’âme du thé. Chaque thé a une histoire. Et Guillaume Leleu est un raconteur d’histoires, que nous avons interrogé pour vous afin de mieux comprendre sa démarche de créateur.
Entrons dans son laboratoire de création !

D’où puisez-vous l’inspiration pour créer un thé ?

Souvent dans le regard d’un autre. Il faut avoir cette notion de se détacher quelques instants de celui que l’on est ou que l’on veut paraître. Créer ne veut surtout pas dire offrir ce que l’on attend de vous, ce que l’on vous demande car ce n’est pas créer mais juste répondre à une envie qui vous est suggérée et cela manque un peu d’âme. L’inspiration ne se trouve pas, elle arrive à un moment inattendu parfois à travers un mot d’âme, à travers une odeur, un toucher, une fleur, une couleur et si vous manquez de saisir le moment présent, vous passez à côté.
C’est probablement la phase la plus compliquée d’une création car vous ne la décidez pas, ne la maitrisez pas.
Il m’arrive de dire, je pense en étant incompris sur ce point, qu’une création est une de mes plus grandes souffrances. Cela demande une émotion poussée à l’extrême, tirée entre le désir de donner du plaisir et celui de ne pas chercher à en offrir. Toutes mes créations sont nées avant tout de l’absolu sentiment qu’il manquait quelque chose pour parfaire un moment et tenter d’y apporter une réponse.

Comment choisissez-vous les noms de vos thés ?

C’est assez simple, en fait. Cela relève presque de l’évidence. Cela s’impose à vous. Mais il est vrai que je conserve peut-être à l’esprit l’idée que cela doit participer à interpeller, à donner un sourire, à nous parler à chacun d’entre nous.
J’imagine parfois un consommateur de thé, au comptoir d’une maison, demander qu’on lui serve tel ou tel thé et cela m’amuse. Dans la plupart des maisons, les noms des thés vendent l’idée d’un voyage, d’un exotisme, de la notion d’ailleurs. Je n’ai absolument rien contre mais je pense que c’est un peu réducteur du fait que le thé viendrait d’ailleurs et qu’il serait donc une boisson évocatrice du voyage, du lointain, de l’inconnu.
Personnellement, je ne le crois pas, j’ai une tendance à m’approprier ce que je vis sur le moment pour moi. Par exemple, lorsque l’on parle de mon patrimoine, je m’amuse souvent à répondre que je suis un locataire, propriétaire de chaque endroit où je passe la nuit.
C’est pareil pour un thé, au moment où je le bois, ce que je ressens n’appartient qu’à moi et ce thé par définition a été fait pour moi. C’est pour cela que j’aime dans les noms des mélanges de THEODOR y inclure cette notion d’appropriation par d’autres et puis du “connu”, de cette idée de “cela m’évoque quelque chose”…. Je trouve cela plus en harmonie avec ce qu’est le thé, une boisson de l’accueil, de l’hospitalité, mais aussi une simple boisson.
Alors quand je nomme un thé “On va se revoir”, “Sans complexe”, “Voulez-vous ?”, ou encore “Je ne sais quoi”… je laisse le consommateur compléter la phrase dans laquelle il peut inscrire ce nom et j’aime cela.

theodor box the envouthe

Crédit photo : THEODOR

Et pour la description de vos thés très évocatrice plus que descriptive, pouvez-vous nous expliquer votre démarche artistique ?

La description des thés m’est bien plus personnelle que le nom des thés. Je voulais sortir des carcans un peu “classiques” qui incitent l’auteur soit à être très descriptif dans le côté technique du contenu du genre “Thé noir aux parfums de fruits rouges…” insipides à mon sens et les descriptifs qui au contraire vendent tellement de rêves, qu’ils en deviennent inaccessibles, là encore à mon humble opinion.
Alors, c’est là qu’intervient l’insolent Parisien, dans toute sa caricature, poussée à l’extrême, inscrit dans un contexte totalement “hors du temps” de la société dans laquelle on vit et en même temps, prenant le parti-pris de cette autodérision pour mettre en lumière cette création. Je vais sûrement en décevoir certains, mais non, je ne vis plus (pas ?) comme le dit le descriptif du J.E. Oolong Milky de la maison, dans un grand appartement parisien, dans des pièces plus spacieuses les unes que les autres…..et je n’ai pas de gouvernante qui s’appelle Léonie !
Cela doit être un jeu pour moi, le début d’un plaisir, le début d’un guide pour le consommateur… C’est comme recevoir un texte, être réceptif à une couleur, à des mots… et donc peut-être à des saveurs.

Combien de temps s’écoule-t-il entre l’idée d’un thé et sa réalisation ?

Cela dépend énormément de la création en question. Je crois que la plus “rapide” me prit 6 mois et la plus longue environ 28 mois, soit 2 ans et demi, sans compter toutes celles qui ne sont pas encore abouties, sans être inachevées. Un mélange comme “Cocotte” qui fut un des premiers thés avec cette notion de “pâtisserie” sur le marché, très innovant pour l’époque, me vint avec une certaine aisance car je savais exactement ce que je recherchais comme note ou rendu final.
Bien entendu, quand on parle de 6 mois, ce n’est pas 180 jours d’affilée, cumulés sur la création, c’est un temps de maturité de l’esprit, parfois trouver la clef, l’ingrédient qu’il vous manque, la base du thé, pouvoir lâcher et revenir plus tard sur son idée première… C’est assez compliqué finalement à expliquer.

guillaume leleu box de the envouthe

Crédit photo : THEODOR

À chaque lancement d’une nouvelle création, comment vous sentez-vous ?

C’est très intime comme question. Je dirais, comme un artiste, pleins de doutes, présomptueux, tenant de me rassurer et l’envie que cette création conquière son public et trouve ses amateurs, transmette des sourires et offre des moments de plaisirs.

Est-ce que vos nouvelles créations prennent le pas sur les anciennes dans votre cœur et votre esprit, tel un artiste qui se lasse de ses premières œuvres… ? Ou gardez-vous une affection particulière pour vos premières créations ?

Non, aucune création n’est inscrite dans une temporalité. C’est presque même la signature d’un moment. Je n’aime pas l’esprit de conserver à tout prix s’il n’y a plus de raisons d’être, c’est d’ailleurs souvent ce qui tue l’esprit de création. Je pense qu’un thé doit rester actuel, contemporain, correspondre à son époque. Il peut être parfois, audacieux, voire avant-gardiste, bien entendu, comme être un petit clin d’œil à un passé, à une époque, mais à l’exception de très grands mélanges tels que l’Earl Grey, presque intemporels par définition, car juste “parfait”, une création doit vivre tant que le public la plébiscite, la désire, tout simplement.
Par ailleurs, le thé est le fruit de la nature et la nature change chaque jour. L’ingrédient principal d’un mélange parfumé change en permanence, en fonction des arrivages et il faut donc souvent harmoniser le composé aromatique en tenant compte de ce paramètre que l’on ne maîtrise pas et qui est très capricieux.
Et puis, il faut avoir l’honnêteté de regarder si chaque mélange a réellement sa raison d’être. Parfois, une création demande à être revisitée plutôt que retirée d’une collection. C’est ainsi que plusieurs de mes créations, dont la plus connue d’entre elles, à savoir “Pêché Mignon” a été retravaillée plus de 7 fois, par exemple !

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 Crédit photo : THEODOR

Et vos clients, comment accueillent-ils chaque nouveauté ?

Je vais vous donner un indice. Vous aurez une parfaite réponse à cette question, en consultant un outil que l’on nomme “L’ENVOUTHEQUE” !
Et au-delà de cela, j’ai beaucoup de chance, à double titre. Tout d’abord car les mélanges THEODOR ne sont pas considérés comme de simples thés parfumés, mais comme les mélanges d’une “maison de créateur”, ce qui est assez flatteur. Puis, j’ai beaucoup de chance, car il y a comme une reconnaissance de notre savoir-faire et par définition, une véritable attente, à chaque sortie d’un nouveau thé, qu’il soit d’ailleurs nature ou parfumé. On ressent cette délicatesse à accompagner la maison dans ce qu’elle est, on ressent comme une petite frénésie entre l’annonce et la sortie, et puis une bienveillance très agréable pour un créateur. Que nous a-t-il encore inventé ?
La plus belle preuve est que malgré toutes les appréhensions que je peux avoir, par rapport à certaines limites que j’ai repoussées, les consommateurs sont toujours là et n’hésitent pas à franchir le pas de la dégustation. En quelque sorte un sado-masochisme du thé qui n’est pas pour me déplaire 😉

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