le thé en orient

Le thé en Russie

4 novembre 2015

L’arrivée du thé en Russie et sa popularisation

On retrouve des traces du thé en Russie dès 1567 quand Petrov et Yalychev, deux Cosaques, en parlent comme d’un breuvage chinois merveilleux. Cependant, il faut attendre le XVIIe siècle pour que le thé soit véritablement introduit en Russie : en 1618, des émissaires chinois en offrent au tsar Alexis et à sa cour. En 1638, c’est au tour de l’ambassadeur Vassili Starkov de rapporter au tsar Michel Federovitch près de 64 kilos de thé, offerts par un prince mongol. Ce nouveau breuvage plaît tant qu’en 1689 Pierre le Grand signe un accord avec l’Empereur chinois : désormais, ils échangeront grâce à la Route de la Soie fourrures russes contre briques de thé chinois.

Les caravanes, traversant la Mongolie et la Sibérie pour rallier Moscou, comportent jusqu’à 300 chameaux, chargé chacun de près de 200 kilos de thé ! Le voyage dure une quinzaine de mois et fait du thé une denrée rare et précieuse que l’on ne trouve que à certaines foires, comme celles de Nijni-Novgorod (actuelle Gorki) et dans les grandes villes, tel Moscou. Les Moscovites sont d’ailleurs si férus de thé que le reste du pays les surnomme “les buveurs d’eau chaude” !

C’est la mise en service du Transsibérien en 1903 qui raccourcira ce voyage à une semaine, signant l’arrêt des caravanes. Ce même Transsibérien dans lequel un samovar est, encore aujourd’hui, à disposition. Les voyageurs peuvent même rapporter leur propre thé ! Dans les gares, c’est un grand récipient nommé kipjatok qui fournit de l’eau chaude à qui veut pour un kopeck. C’est à la même période que la Russie commence à cultiver du thé, en altitude du côté de Sotchi, mais également sur les rives de la Mer Noire dans une région qui est actuellement la Géorgie et l’Azerbaïdjan. Cette production ne représente cependant que 1% de la consommation nationale.


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Paysan avec un samovar dans les années 1860 / Crédit photo : William Carrick


La tradition des thé russes et leur influence dans le monde

Quels thés les russes boivent-ils ?

Les Russes boivent du thé, quasi exclusivement noir, importé d’Inde ou de Ceylan.

Comment les russes boivent-ils leur thé ?

Ils adoucissent leur thé avec du sucre, du miel ou une cuillerée de confiture de fruits. La confiture de framboise en particulier protégerait des refroidissements ! Contre l’indigestion, c’est un soupçon de vin rouge dans votre tasse qui vous remettra sur pied. Les Russes n’ajoutent pas de lait au thé, mais parfois avec un peu de crème. La tradition est de placer un morceau de sucre entre ses dents et d’aspirer le thé au travers. En automne, on agrémente son thé de petits dés de pomme à repêcher à la cuillère avant de boire !

“Andréi Dmitriévitch […] était en train de boire son thé – parfumé avec des quartiers de petites pommes vertes.
– C’est comme cela que je préfère boire mon thé, dit-il en remarquant mon étonnement.
– On disait que les nobles buvaient leur thé avec du citron et les cuisinières avec des pommes, m’expliqua sa femme. Alors c’est son thé de cuisinière.”

[Hedrick Smith Andréi Dmitriévitch c’est Sakharov, vers 1970 qui reçoit l’auteur dans son modeste appartement.]

Les Russes : la vie de tous les jours en Union Soviétique (1975), Hendrick Smith

Comment les thés russes ont-ils conquis le monde ?

Les Russes plongent également volontiers dans leur verre une rondelle ou un zeste de citron, d’où le thé aux agrumes rendu populaire en Angleterre par la reine Victoria, qui aurait pris cette habitude lors d’une visite à sa fille à la cour de Russie. En France, c’est en 1950 que Jean Jumeau-Lafond, de la marque Dammann Frères, souhaitant concurrencer le Earl Grey britannique, crée un mélange de thé noir et d’agrumes qu’il baptise “Goût Russe Douchka” en l’honneur de sa femme, russe.

Quant au thé “à la russe” ou “caravane russe”, c’est un thé noir légèrement fumé de Chine ou de Formose, qui est introduit en France par le tsar Alexandre lorsqu’il arrive à Paris en 1814. Il devient si populaire dans les salons parisiens que Balzac, lorsqu’il séjourne à Saint-Pétersbourg en 1854, s’empresse d’en faire un stock.


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Crédit photo : Anna Williams


Vous prendrez bien une anecdote à propos du thé en Russie ?

Le thé imprègne tant la culture, y compris populaire, que le pourboire est désigné par l’expression “na tchai,” qui signifie littéralement “pour le thé”.
N’ayant pas accès à l’alcool ou aux drogues, les prisonniers russes ont pris pour habitude de boire un thé noir très concentré, le tchifir, si concentré qu’il en a un léger effet psychotrope ! Peut-être est-ce cette habitude de boire du thé très concentré qui a donné naissance au proverbe : “Le thé n’est pas la vodka, impossible d’en boire beaucoup.”

Comment accompagner son thé en Russie ?

Le thé est consommé tout au long de la journée, ainsi qu’avec le repas principal, pris en fin d’après-midi. Lorsqu’il est bu en-dehors des repas, il est accompagné de douceurs, de fruits secs et de fruits. Pâtisseries et thé sont indissociables en Russie, au point que le samovar porte souvent un collier de souchki, des petits biscuits en forme d’anneaux ! Pirogi aux pommes ou vareniki au fromage blanc accompagnent également la dégustation. Si l’on a convié des amis, on leur proposera en plus des zakouski, des sandwichs au fromage, au saucisson et au poisson.



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Un podstakannik, verre à thé russe traditionnel dans un support en argent / Crédit photo : zzmeika


De quoi a-t-on besoin pour la cérémonie du thé en Russie ?

Le fameux samovar, à la fois bouilloire et thermos, coiffé d’une théière de porcelaine, tscheïnik, et que viennent compléter des tasses en porcelaine ou des verres dans leur support en argent, podstakannik.

Où boire son thé en Russie ?

La tchai-naya russe est une maison de thé conçue sur le modèle des maisons de thé chinoises. Cependant, le plus souvent, le thé est consommé dans la pièce à vivre de la maison, salon ou cuisine, dans laquelle trône le samovar. Dans les familles aristocratiques, thé et tabac sont associés aux plaisirs feutrés du salon ou du boudoir, comme reflété dans cet extrait de Anna Karénine de Tolstoï dans lequel Anna et la princesse Tverskoï discutent :

“Les deux femmes eurent le cosy chat qu’avait promis la princesse Tverskoï, tandis qu’elles prenaient le thé qu’on leur servit sur un guéridon, dans le petit salon frais […] Sans regarder son amie, elle versa avec soin le thé parfumé dans les tasses transparentes. Après avoir tendu une tasse à Anna, elle prit une cigarette à papier de maïs, l’introduisit dans un fume-cigarette d’argent et l’alluma.”



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Keira Knightley incarne Anna Karenine dans le film de Joe Wright


Sources :

– Paul Butel, Histoire du thé, Les Éditions Desjonquères, Paris, 2007
– Maït Foulkes, Jacques Boulay, Délices du thé, Plume, Flammarion, Paris 2001
– Gilles Brochart, “L’heure du thé,” Le livre du thé, Flammarion, Paris 2001
Food & Senses
– Madeleine Leroyer, Une vie de pintade à Moscou: Portraits piquants des Moscovites

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